Vous vous demandez comment créer une relation apaisée et efficace entre les aidants familiaux et les équipes soignantes ? Vous n’êtes pas seul. En tant que spécialiste de l’accompagnement en EHPAD, je vous propose des repères concrets pour bâtir un partenariat de confiance qui profite d’abord à la personne accompagnée, tout en respectant les proches et les professionnels.
Pourquoi un partenariat aidants–soignants est essentiel
Je constate chaque jour combien la qualité de vie d’un résident dépend de la qualité des échanges entre sa famille et l’équipe soignante. Un partenariat solide facilite la coordination des soins, prévient les ruptures d’information et favorise le respect du projet de vie personnalisé. Quand aidants et soignants travaillent ensemble, on observe souvent une meilleure adhésion aux soins, moins d’hospitalisations évitables et une ambiance plus sereine pour le résident.
Plusieurs raisons rendent ce partenariat indispensable :
- Connaissance partagée : les aidants apportent l’histoire, les habitudes et les préférences ; les soignants apportent l’expertise clinique. C’est la rencontre de ces savoirs qui permet un accompagnement adapté.
- Continuité des soins : une communication fluide évite les doublons, les oublis de traitements ou les incompréhensions sur les objectifs de soins.
- Soutien émotionnel : quand les aidants se sentent écoutés, leur stress diminue ; quand les soignants reçoivent des informations précises, ils gagnent en efficacité.
Exemple concret : Mme L., atteinte de démence modérée, refusait certains soins. Sa fille connaissait l’astuce des chansons de son enfance pour l’apaiser. En partageant cette information lors d’une réunion de suivi, l’équipe a intégré cette pratique dans le planning de soins. Résultat : moins d’angoisse lors des soins de toilette et une meilleure coopération.
Je souligne l’importance de la confiance : elle se construit par la répétition d’échanges clairs, des gestes concrets respectueux des souhaits de la personne et par la transparence en cas d’erreur ou d’incident. Ne prenez pas pour acquis que tout le monde partage la même définition du « bien faire » : demandez, expliquez, reformulez.
Pour favoriser ce partenariat, je vous invite à poser trois priorités simples dès le départ :
- Clarifier qui fait quoi (rôles et responsabilités).
- Mettre en place un canal de communication privilégié (carnet, mail, téléphone, rendez-vous).
- Programmer des points réguliers pour ajuster le projet de vie.
Ces trois gestes réduisent les malentendus et renforcent l’alliance autour de la personne accompagnée. Le temps investi au départ économise souvent beaucoup d’inquiétude ensuite.
Les fondations d’une relation de confiance
Pour que le partenariat tienne sur la durée, il repose sur des fondations simples mais non négociables : écoute, respect, transparence et engagement. Voici comment je vous propose de les mettre en pratique.
- Écoute active et respect mutuel
- Écoutez sans interrompre, reformulez pour vérifier votre compréhension.
- Respectez les émotions : inquiétude, colère ou culpabilité sont normales chez les aidants. Ne les jugez pas.
- Valorisez le savoir de chacun : un aidant connaît les routines, un soignant sait ce qui est médicalement nécessaire.
- Transparence et information partagée
- Partagez les éléments médicaux essentiels sans jargon.
- Prévenez des changements (horaires, personnel, état de santé) dès que possible.
- En cas d’erreur ou d’incident, dites-le et expliquez les mesures prises. L’honnêteté renforce la confiance.
- Clarifier les rôles et les responsabilités
- Qui organise les rendez-vous ? Qui administre les traitements ? Qui informe la famille en cas d’urgence ?
- Un tableau simple peut aider (voir plus bas).
- Évitez les présupposés : si vous pensez qu’un aidant veut prendre en charge un acte, demandez-lui.
- Confidentialité et respect des volontés du résident
- Assurez-vous que les demandes du résident guident les décisions.
- Respectez les directives anticipées et la confidentialité des informations de santé.
Exemple pratique : lors d’une réunion d’équipe, je propose toujours une phrase courte pour cadrer l’échange : « Objectif : clarifier un point précis et déterminer une action concrète avant la prochaine rencontre. » Cette règle évite les monologues et recentre sur l’essentiel.
Quelques règles de communication à appliquer immédiatement :
- Préférez des phrases courtes et factuelles.
- Demandez toujours si l’aidant souhaite être informé par téléphone, SMS, mail ou carnet.
- Programmez un point hebdomadaire ou mensuel selon le besoin.
En adoptant ces pratiques, vous diminuez le stress, limitez les malentendus et créez un climat favorable aux soins centrés sur la personne. Je vous encourage à instaurer ces rituels dès les premiers jours d’entrée en établissement : la confiance se construit pas à pas.
Outils et rituels concrets pour travailler ensemble
Pour que le partenariat entre aidants et soignants soit opérationnel, il doit s’appuyer sur des outils simples et des rituels réguliers. Voici ceux que j’utilise et que je recommande fréquemment.
Outils pratiques :
- Carnet de liaison (papier ou numérique) : pour noter les événements quotidiens, les changements d’humeur, les prises de médicaments, ou les consignes particulières.
- Projet de vie individualisé : document vivant qui rassemble les souhaits, habitudes, goûts, et objectifs de soins. À revoir au moins tous les 6 mois.
- Réunions de coordination : courtes réunions (15–30 min) entre référent(e) soignant(e) et aidant(s) pour ajuster le soin.
- Portail familial ou messagerie sécurisée : pour transmettre comptes-rendus, photos et messages non urgents.
- Journal de bord : utile pour les modifications fréquentes (appétit, sommeil, douleurs).
Tableau synthétique : Outil | Utilité | Fréquence
| Outil | Utilité | Fréquence |
|—|—:|—|
| Carnet de liaison | Transmission quotidienne d’infos | Quotidien |
| Réunion de coordination | Ajuster le projet de vie | Hebdomadaire/mensuel |
| Portail numérique | Partage de comptes-rendus et photos | À la demande |
| Projet de vie | Guide des préférences et objectifs | Révision semestrielle |
Rituels recommandés :
- Accueillir la famille lors de l’entrée : visite guidée, présentation de l’équipe et remise du projet de vie.
- Point hebdomadaire court : téléphone ou message pour les nouvelles significatives.
- Réunion trimestrielle pluridisciplinaire : soignants, référent, aidants, parfois médecin traitant.
- Rituel de fin de journée (brève synthèse) pour les aidants qui viennent en soirée.
Exemple concret : un centre a instauré un créneau « 11h–11h15 » tous les lundis pour un point téléphonique entre la référente soignante et le proche référent. Ce rendez-vous a réduit le nombre d’appels imprévus et a permis de résoudre rapidement les petites difficultés.
Bonnes pratiques pour l’utilisation des outils :
- Choisir un outil unique pour chaque type d’information (évitez la dispersion).
- Consigner systématiquement ce qui a été décidé lors d’une réunion (qui fait quoi, quand).
- Former les aidants à l’usage des outils numériques si nécessaire.
Je vous encourage à tester un ou deux outils au départ, puis à adapter. L’essentiel est la régularité : un outil mal utilisé vaut mieux qu’aucun outil si vous vous y tenez.
Gérer les tensions et protéger chacun : cadre, limites et soutien
Les tensions surviennent ; elles ne signifient pas forcément l’échec d’un partenariat. Elles peuvent provenir de la fatigue, d’un malentendu, d’une divergence sur la prise en charge ou d’un choc émotionnel. L’important est d’avoir un cadre pour les gérer rapidement et humainement.
Sources courantes de conflits :
- Perception différente de l’état du résident (minimisation vs alerte).
- Choc entre besoins de sécurité (soignants) et souhaits d’autonomie (aidants).
- Fatigue et culpabilité des aidants qui imposent des attentes irréalistes.
- Problèmes de communication (messages non reçus ou mal interprétés).
Stratégies pour apaiser :
- Instaurer un cadre de résolution : nommer un référent, définir un temps et un lieu pour discuter, et préparer les points à aborder.
- Écouter d’abord : laissez l’autre exprimer son ressenti sans interruption. Reformulez pour montrer que vous avez compris.
- Revenir aux faits : distinguer observations (ce qui s’est passé) et interprétations (ce que ça signifie).
- Proposer des solutions concrètes : ajustement d’horaires, essai d’une approche différente, tierce personne (médiateur).
Procédure en cas de conflit sérieux :
- Informez le responsable d’établissement.
- Demandez une réunion formelle avec compte-rendu écrit.
- Si besoin, sollicitez une médiation externe (associations, conciliateur de santé).
- Mettez en place des mesures temporaires pour protéger le résident et apaiser les tensions.
Prendre soin de soi et des professionnels :
- Les aidants ont souvent besoin d’un relais et d’un soutien psychologique : orientez-vous vers des groupes d’entraide ou des professionnels.
- Les soignants bénéficient de supervisions d’équipe pour débriefer les situations difficiles.
- Repérer les signes d’épuisement : irritabilité, sommeil perturbé, détachement émotionnel.
Anecdote : une famille très impliquée s’opposait à un changement de traitement. Après une réunion centrée sur l’écoute et l’explication claire des bénéfices et des risques, un test a été accepté pour une semaine. Le test a permis d’ajuster la posologie et de restaurer la confiance mutuelle.
Anticipez les tensions par une communication régulière et un dispositif clair de gestion des conflits. Si un point bloque, appelez-le rapidement plutôt que de laisser la situation empirer.
Du quotidien à la fin de vie : co-construire le parcours
Le partenariat doit s’adapter aux étapes du parcours : admission, adaptations quotidiennes, hospitalisations et, parfois, fin de vie. À chaque étape, la coopération aidants–soignants garantit des décisions respectueuses des souhaits du résident.
Admission et premières semaines :
- Privilégiez une période d’observation où l’équipe recueille l’histoire du résident.
- Établissez le projet de vie avec les aidants : habitudes, goûts, peurs, rituels.
- Planifiez un point d’évaluation à 1 mois pour ajuster l’accompagnement.
En cas d’hospitalisation :
- Informez rapidement la famille et le coordinateur.
- Convenez d’un responsable de liaison pour assurer le retour en établissement.
- Conservez un résumé médical synthétique disponible.
Décisions difficiles et fin de vie :
- Anticipez les souhaits : avancez la conversation sur les directives anticipées et la personne de confiance.
- Organisez des réunions de concertation impliquant aide-soignants, médecin, famille et, si possible, le résident.
- Respectez les volontés du résident même si elles diffèrent de celles de la famille ; le rôle conjoint est de traduire ces souhaits en actes.
Checklist pour co-construire le parcours :
- Avez-vous un projet de vie signé et partagé ?
- Avez-vous désigné une personne de confiance et consigné les directives ?
- Existe-t-il un référent soignant identifié pour la famille ?
- Un canal de communication est-il validé par tous (téléphone, messagerie, carnet) ?
- Les rendez-vous de suivi sont-ils planifiés (1 mois, 3 mois, semestriel) ?
Ressources utiles :
- Associations locales d’aidants pour soutien et information.
- Plateformes d’information juridique pour les droits des résidents.
- Groupes de parole en établissement ou en ville.
Je veux conclure en rappelant que chaque parcours est unique. Le partenariat se tisse dans la durée, par des gestes quotidiens, des paroles sincères et une volonté commune de placer la personne au centre. Même dans les moments les plus durs, la collaboration respectueuse entre aidants et soignants offre dignité et apaisement.
Bâtir un partenariat de confiance entre aidants et soignants demande du temps, des outils simples et une communication respectueuse. Commencez par clarifier les rôles, choisir un canal de communication, programmer des points réguliers et formaliser le projet de vie. Je vous accompagne dans ces démarches : posez des questions, demandez des réunions, et n’oubliez pas de prendre soin de vous. Ensemble, vous pouvez créer un environnement rassurant et respectueux pour votre proche.
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