Vous vous demandez si organiser des sorties pour votre proche en établissement en vaut la peine ? Vous n’êtes pas seul(e). Entre les craintes liées à la fatigue, à la sécurité ou à l’organisation, et le désir profond de voir votre parent ou proche s’épanouir, il est parfois difficile de savoir par où commencer.
Je vous propose ici des repères clairs, des témoignages concrets et des idées inspirantes pour que les sorties deviennent de vrais moments de vie, de lien et de bien-être. Mon objectif : vous rassurer et vous donner des outils simples pour que ces moments soient sûrs, adaptés et surtout bénéfiques pour le résident.
Pourquoi les sorties sont si bénéfiques pour les résidents
Les bienfaits des sorties dépassent souvent l’idée d’une simple promenade. Elles agissent sur plusieurs plans complémentaires :
- Sur le plan émotionnel : une sortie permet de rompre la routine, de provoquer des sourires, des surprises, des échanges. Pour beaucoup, c’est un rappel d’identité et de mémoire affective.
- Sur le plan social : les sorties favorisent la vie sociale, la rencontre avec d’autres générations et renforcent le sentiment d’appartenance.
- Sur le plan cognitif : une sortie stimule les sens et la mémoire — vue, odorat, toucher, sons — et peut être une forme de stimulation cognitive simple et naturelle.
- Sur le plan physique : même de courtes marches, des transferts et des gestes chez un commerçant contribuent à maintenir la mobilité et la capacité d’adaptation.
- Sur le plan de l’autonomie et de la dignité : être invité à participer à la vie du quartier ou à choisir une activité renforce le sentiment d’autonomie et respecte la personne dans sa singularité.
Je constate au quotidien que les sorties, lorsqu’elles sont bien préparées, améliorent la qualité de vie des résidents : ils mangent mieux, dorment souvent mieux, et retrouvent parfois une joie spontanée longtemps absente.
Témoignages et cas vécus (pour s’inspirer)
Les exemples concrets aident à imaginer ce que peuvent devenir ces sorties. Voici trois récits, basés sur des situations que j’ai vu se répéter, adaptés pour être utiles à vous et à votre famille.
Sortie à la boulangerie : retrouver des repères
Mme Dupont, qui vit en établissement depuis deux ans, aimait la boulangerie de son village. Après quelques sorties accompagnées, elle a repris l’habitude de choisir sa viennoiserie. Sa fille raconte : « Voir maman remettre sa main sur la vitrine et désigner le croissant, c’était comme retrouver un petit bout d’elle. »
Conseil pratique : commencez par une sortie courte (10–15 minutes) et choisissez un commerce connu. Laissez le résident participer au choix, payer s’il le peut, ou tenir le sac.
Balade en voiture et musique : apaiser l’anxiété
M. Morel est devenu plus calme après des tours de voiture simples, avec sa chanson préférée à la radio. Ces moments lui permettent d’échapper au sentiment d’enfermement et réduisent son agitation en fin de journée.
Conseil pratique : une sortie en voiture d’un quart d’heure, en respectant les horaires favorables à la personne (après le déjeuner ou en fin d’après‑midi selon les habitudes), peut faire une grande différence.
Sorties intergénérationnelles : transmettre et sourire
Une petite école voisine organise chaque mois une séance « lecture‑partage ». Les résidents écoutent des enfants lire, échangent des anecdotes et partagent un goûter. Mme Karam, qui était institutrice, retrouve sa place de conteuse : « Quand j’entends ces voix d’enfants, je revois ma classe. »
Effet observé : des échanges francs, des sourires et parfois le récit de souvenirs précieux. Ces rencontres favorisent aussi la liaison famille et le lien social avec le quartier.
Idées de sorties inspirantes (à adapter selon la personne)
Voici une liste d’idées de sorties facilement adaptables, classées par nature d’expérience. Pour chaque proposition, pensez à adapter la durée et les conditions selon la fatiguabilité et les préférences du résident.
- Balade au parc ou promenade sensorielle (feuilles, odeurs, banc pour s’asseoir) — idéal pour stimuler la mémoire et les sens.
- Pause café / boulangerie : simple, sociale, faible fatigue, favorise l’autonomie (choix, paiement).
- Sortie culturelle : musée à proximité avec médiation adaptée, exposition locale ou visite guidée courte.
- Goûter en terrasse : moment convivial et rassurant, avec repères visuels du quartier.
- Spectacle ou animation locale : théâtre de quartier, concert adapté, atelier musical itinérant.
- Marché : couleurs, odeurs, échanges avec les commerçants ; excellent pour la mémoire olfactive.
- Jardinage collectif ou visite d’un jardin partagé : activités manuelles et sensorielles.
- Visite d’une ferme pédagogique ou médiation animale : contact avec les animaux pour apaiser et stimuler.
- Sortie intergénérationnelle : échange avec une classe, une crèche, un centre de loisirs.
- Promenade en bord de mer ou en rivière : le bruit de l’eau a souvent un effet apaisant.
- Atelier chez un artisan : boulanger, potier, maître verrier — découvrir un métier, sentir, toucher.
- Petite excursion : visite d’un village voisin, fête locale ou foire, avec pauses régulières.
- Activités nautiques douces : balade en bateau accessible, pêche à la ligne sur un ponton (si adapté).
- Cinéma ou projection privée : film court, séances adaptées aux personnes âgées.
- Rallye mémoire en ville : repenser un parcours connu (église, mairie, école).
Chaque sortie peut être aménagée : fauteuil roulant, accompagnant dédié, pause planifiée, et une durée adaptée. L’important est la régularité et le sens donné à l’activité plutôt que la durée.
Comment organiser une sortie en toute sécurité et sérénité
L’organisation rassure tout le monde : resident, famille et équipe. Voici une méthode simple, étape par étape, pour préparer une sortie.
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Évaluer la personne : consulter le dossier médical et l’équipe soignante pour connaître l’état de santé, la fatigue, la prise de médicaments et les contre‑indications.
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Choisir la sortie en fonction des préférences et des capacités : privilégier ce que la personne aimait auparavant ou des activités sensorielles simples.
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Planifier la durée et l’horaire : éviter les heures de grande fatigue ; prévoir une marge pour les imprévus.
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Vérifier le transport adapté : véhicule du centre, taxi conventionné, ou minibus accessible ; prévoir un accompagnant supplémentaire si nécessaire.
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Préparer une « fiche de sortie » : nom du résident, coordonnées, personnes accompagnantes, médicaments à prendre pendant la sortie, allergies, numéro d’urgence, consignes particulières (transferts, alimentation).
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Informer la famille et recueillir les autorisations écrites si demandées par l’établissement ; certaines sorties hors du périmètre nécessitent un consentement écrit.
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Prévoir un kit pratique : eau, goûter, châle ou parapluie selon la météo, dossier médical réduit, numéro de l’établissement.
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Anticiper la sécurité : vérifier l’accessibilité des lieux, la présence de toilettes, la possibilité de s’asseoir souvent, et de garder un rythme lent.
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Débriefer après la sortie : noter les réactions du résident (fatigue, plaisir, comportements), partager l’information avec l’équipe et la famille pour ajuster les prochaines sorties.
Je vous conseille d’utiliser un petit carnet ou un fichier partagé pour consigner chaque sortie : ce qui a plu, ce qui a moins plu, la tolérance à la fatigue. Ces retours simples aident à affiner la fréquence et le type d’activités.
Adapter les sorties aux situations particulières (alzheimer, mobilité réduite, fragilité)
- Pour une personne avec des troubles cognitifs : privilégiez des lieux familiers, des repères visuels, et des activités courtes avec des routines connues. Les promenades sensorielles (odeurs, toucher d’objets) sont souvent très efficaces.
- Pour une personne à mobilité réduite : vérifiez l’accessibilité, préférez des lieux avec places assises et toilettes de plain‑pied; une sortie en voiture avec vue agréable peut remplacer une longue marche.
- Pour une personne fragile sur le plan médical : adaptez le rythme, prévoyez les médicaments et choisissez des lieux proches de l’établissement.
Dans tous les cas, l’équipe pluridisciplinaire (infirmiers, aides‑soignants, animateurs, kiné) peut proposer des aménagements pratiques et adaptés.
Le rôle des familles : s’impliquer, soutenir, sans culpabiliser
Les familles jouent un rôle précieux dans la réussite des sorties. Voici quelques façons de participer, selon le temps et l’énergie de chacun :
- Proposer des sorties selon vos souvenirs et connaissances du domicile d’origine.
- Accompagner ponctuellement, surtout lors des premières sorties, pour rassurer.
- Fournir des objets familiers (photo, écharpe, carnet de chansons) qui peuvent être utilisés pendant la sortie.
- Participer à l’évaluation en décrivant les changements observés après la sortie.
- Offrir une aide logistique : réservation, appel au commerce, participation financière si nécessaire (pour un café, une entrée, etc.).
Si vous ressentez de la culpabilité à ne pas pouvoir accompagner toutes les sorties, rappelez‑vous que la qualité prime sur la quantité. Même une sortie tous les 15 jours, bien préparée et aimée, peut avoir un grand impact. L’équipe est là pour compléter et organiser de façon professionnelle.
Mesurer l’impact des sorties et ajuster
Pour savoir si une sortie a été bénéfique, observez des signes simples et concrets : meilleure humeur, plus d’appétit, moins d’agitation, désir de raconter l’expérience, amélioration du sommeil. Vous pouvez aussi demander à l’équipe d’évaluer les répercussions sur le comportement et l’état général.
Tenir un bref journal de bord (ou une fiche de sortie) permet de repérer des tendances : telle sortie augmente la fatigue, telle autre provoque des sourires pendant plusieurs jours. Ajustez alors la fréquence, la durée ou l’activité.
Photographier (avec accord) ou garder une petite carte souvenir peut renforcer la mémoire de la sortie et devenir un support de conversation lors des visites suivantes.
Quelques conseils pratiques et erreurs à éviter
- Ne pas sous‑estimer la récupération : prévoyez une période de repos après la sortie.
- Ne pas surcharger la journée : une seule activité significative est souvent plus bénéfique que plusieurs enchaînées.
- Ne pas imposer : si la personne refuse, proposez une alternative plus douce.
- Préférer la régularité à l’épisodique : des petites sorties régulières créent plus d’effet positif qu’une grande sortie ponctuelle.
- Écouter les retours : le résident, la famille et l’équipe ont tous des informations utiles.
Astuce rapide : si la météo est incertaine, privilégiez les lieux couverts mais ouverts (serre, marché couvert, galerie commerçante) pour garder la stimulation sensorielle sans risque climatique.
Les sorties en EHPAD ne sont pas un luxe : ce sont de véritables outils de bien‑être, de stimulation cognitive, de maintien de la vie sociale et de restauration d’une part d’identité. Bien préparées, elles redonnent du sens au quotidien, créent des souvenirs partagés et renforcent le lien entre l’établissement, la famille et le quartier.
Je vous encourage à commencer petit, à partager vos idées avec l’équipe et à noter les effets observés. Même une courte sortie — une pause café, une promenade au parc, une visite à la boulangerie — peut transformer une journée et apporter du réconfort.
Si vous le souhaitez, je peux vous proposer une trame de fiche de sortie à adapter avec l’équipe de l’établissement. N’hésitez pas non plus à parler avec les animateurs et soignants : ils ont souvent des idées de sorties adaptées au territoire et aux capacités de chacun. Ensemble, nous pouvons faire en sorte que chaque sortie soit un moment de vie, de partage et de respect pour la personne.
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