Vous vous demandez ce qu’est exactement le projet de vie en EHPAD et comment, en tant que proche, vous pouvez réellement contribuer au bien-être de votre parent ou de l’être aimé ? Vous n’êtes pas seul·e : entrer en établissement soulève de nombreuses questions, de l’organisation du quotidien aux choix liés aux soins, en passant par le maintien des repères et de la dignité.
Je vais vous expliquer simplement ce qu’est un projet de vie personnalisé, comment il se construit, quelle place vous pouvez y prendre, et quoi faire si les pratiques ne correspondent pas à ce qui a été convenu. Mon objectif est de vous donner des repères concrets et des conseils pratiques pour que vous puissiez accompagner, sans vous substituer, en respectant la personne et ses habitudes.
Qu’est-ce que le projet de vie en ehpad ?
Le projet de vie en EHPAD est d’abord un principe : il s’agit d’un accompagnement centré sur la personne, qui prend en compte ses habitudes, ses goûts, son histoire, ses besoins et ses souhaits. Ce n’est pas un simple document administratif, mais un outil vivant qui guide les actions quotidiennes de l’équipe pour préserver la dignité, l’autonomie et le bien‑être du résident.
Ce projet se compose généralement de plusieurs éléments :
- une évaluation des besoins (santé, motricité, cognition, état nutritionnel…) ;
- une description des habitudes de vie (rythme de sommeil, préférences alimentaires, rituels du matin ou du soir) ;
- des souhaits personnels et sociaux (loisirs, liens familiaux, pratiques religieuses) ;
- des objectifs d’accompagnement (maintenir la marche, limiter l’isolement, préserver la continuité d’un projet personnel) ;
- des modalités pratiques : qui fait quoi, comment et quand (soins, animation, aide au lever, etc.).
Il est important de distinguer le projet d’établissement (orientations générales de la maison) du projet de vie personnalisé : le premier fixe les grandes lignes, les valeurs et les services offerts ; le second concerne exclusivement la personne accueillie.
Comment se construit le projet de vie ? qui est impliqué et quelles sont les étapes ?
Le projet se construit avec et pour la personne accueillie. C’est une démarche pluridisciplinaire où se rencontrent les compétences de l’équipe et la connaissance intime que vous, famille, pouvez avoir de la personne. Voici les acteurs couramment impliqués :
- la personne elle‑même, dans la mesure de ses capacités ;
- la famille et les proches ;
- le médecin coordonnateur ou le médecin traitant ;
- l’infirmier·ère coordinateur·rice, les aides‑soignant·es ;
- l’animateur·rice, le psychologue, l’ergothérapeute, le kinésithérapeute si besoin ;
- parfois un référent de parcours ou une personne responsable de l’accompagnement.
Étapes typiques d’élaboration :
- Entretien initial : on recueille l’histoire de vie, les habitudes, les besoins et les attentes.
- Évaluation multidimensionnelle (santé, cognition, autonomie).
- Rédaction d’objectifs réalistes et adaptés (par exemple : maintenir la capacité à se lever avec aide, favoriser un réveil progressif chaque matin).
- Mise en œuvre des actions quotidiennes et des activités.
- Suivi et réajustement du projet en fonction de l’évolution.
Exemple concret : Mme B., qui adore le jardinage, arrivant en EHPAD. Son projet de vie personnalisé a prévu des sorties régulières au potager thérapeutique, la présence d’un panier de plantes dans sa chambre et une activité de rempotage hebdomadaire animée par l’équipe. Résultat : elle retrouve de l’intérêt pour la journée et participe plus facilement aux moments partagés.
Le projet doit rester vivant : il évolue avec l’état de santé, les envies, et les événements. L’objectif n’est pas de tout résoudre immédiatement mais de respecter la personne et d’adapter progressivement l’accompagnement.
La place de la famille : comment participer et devenir un vrai partenaire ?
Votre rôle est précieux. Vous connaissez la personne dans sa globalité — ses petites habitudes, ses valeurs, les sujets sensibles. Voici comment, concrètement, vous pouvez agir pour que le projet de vie soit pertinent et respectueux.
Ce que vous pouvez apporter lors de la construction du projet :
- des informations pratiques (horaires habituels des repas, façons préférées de se coiffer, aliments à éviter) ;
- des éléments d’histoire (profession, passions, relations importantes) ;
- des souhaits exprimés auparavant (préférences religieuses, habitude d’un rituel particulier) ;
- des documents administratifs utiles (directives anticipées si elles existent, nom de la personne de confiance, mandat de protection future ou titre de tutelle/curatelle si applicable).
Conseils pour bien participer :
- demandez à être reçu·e et pris·e au sérieux lors de l’entretien d’admission ; vos informations sont utiles ;
- demandez une copie du projet et des comptes‑rendus des réunions de suivi ;
- fixez un rendez‑vous de suivi après l’arrivée (quelques semaines) pour vérifier l’adaptation ;
- gardez une attitude de co‑construction plutôt que de contrôle : proposez des pistes, échangez, testez des solutions.
Checklist pratique — ce qu’il est utile d’apporter à l’entretien d’élaboration du projet
- Pièces et coordonnées administratives de la personne (identité, aide sociale, mutuelle) ;
- Liste des médicaments et du médecin traitant ; historique médical bref ;
- Informations sur les habitudes quotidiennes (heures des repas, toilette, sommeil) ;
- Goûts et aversions (alimentation, activités, musique…) ;
- Informations sur l’histoire de vie (profession, loisirs, événements marquants) ;
- Personne de confiance, directives anticipées, ou document de protection juridique si existants ;
- Photos, objets personnels et éléments rassurants à amener dans la chambre ;
- Vos disponibilités et la manière dont vous souhaitez être tenu·e informé·e.
(Il s’agit d’une checklist pratique pour faciliter l’entretien initial ; l’équipe pourra vous préciser d’autres pièces ou informations.)
Exemples concrets et conseils pratiques pour accompagner au quotidien
Je partage ici quelques situations fréquentes et des pistes d’action concrètes, issues de nombreuses expériences d’accompagnement en établissement.
Cas 1 — La personne qui perd le goût de se lever :
Mme L. se levait toujours tard et aimait prendre son petit‑déjeuner tranquillement chez elle. Après l’entrée en EHPAD, elle refuse de participer aux animations matinales. Solution : réadapter le rythme, proposer un réveil progressif à l’heure qui lui convient, inviter un proche à partager un petit déjeuner une fois par semaine, intégrer une petite activité en lien avec ses goûts pour redonner du sens à la matinée.
Cas 2 — Préserver l’identité d’un résident réservé :
M. D., ancien enseignant, se sent déstabilisé à la table commune. Plutôt que le forcer, l’équipe a prévu qu’il prenne son repas dans un coin plus calme et que l’animateur lui apporte régulièrement des revues spécialisées. La famille a apporté quelques livres et une photo de sa classe, ce qui l’a aidé à exprimer qui il est et à créer des liens sur des sujets qu’il aime.
Cas 3 — Troubles du comportement liés à la maladie d’Alzheimer :
Mme R. se montre agitée la nuit. Le projet de vie a intégré des repères visuels dans sa chambre, un éclairage tamisé, des rituels rassurants avant le coucher et la présence d’un cube contenant des objets familiers permettant de déclencher des souvenirs apaisants. L’équipe a aussi prévu un protocole de nuit moins intrusif, avec des horaires adaptés pour des rondes plus fréquentes plutôt que l’utilisation systématique de médicaments tranquillisants.
Conseils pratiques à retenir :
- Parlez de petites choses : un vêtement préféré, une recette de famille, une chanson, ça fait parfois plus avancer le projet que de grandes déclarations.
- Demandez des retours réguliers : un court appel hebdomadaire ou un message à la coordinatrice peut suffire pour vérifier que tout se passe bien.
- Proposez, ne commandez pas : présenter une idée comme une aide à tester facilite l’acceptation par le résident et l’équipe.
- Apportez des objets personnels qui créent du lien et facilitent l’identification (photos, coussin, torchon personnalisé…).
Que faire si le projet n’est pas respecté ou doit être modifié ?
Parfois, ce qui est écrit ne correspond pas à la pratique. Il est normal d’être inquiet·e et de vouloir remettre les choses en place. Voici une démarche progressive, constructive et efficace :
- Parlez avec le référent de la personne (aide‑soignant·e référent·e, infirmier·ère coordinateur·rice) en expliquant des exemples concrets de ce qui ne va pas. Restez factuel·le et demandez des pistes d’amélioration.
- Si la situation ne s’améliore pas, demandez un rendez‑vous avec la direction ou la personne responsable du projet d’accompagnement. Préparez des notes, des dates et des photos si ça aide à illustrer le problème.
- Informez‑vous auprès du Conseil de la Vie Sociale (CVS) : c’est une instance de représentation des résidents et des familles qui peut porter une parole collective.
- Si nécessaire, faites appel au médiateur de l’établissement ou demandez les voies de recours indiquées dans le règlement intérieur. Gardez toute trace écrite de vos démarches et des réponses reçues.
- En cas de suspicion de maltraitance avérée ou de manquement grave, il est important d’alerter rapidement (direction, autorités compétentes) — n’hésitez pas à solliciter des conseils juridiques si la situation le justifie.
Restez dans une logique d’écoute et de co‑construction : beaucoup de dysfonctionnements s’expliquent par des incompréhensions, des problèmes de communication ou des erreurs ponctuelles. Une démarche claire, datée et constructive obtient souvent de bons résultats.
En quoi le projet de vie change vraiment le quotidien ?
Le projet de vie personnalisé ne change pas seulement des pratiques : il réinstaure du sens. Pour le résident, il permet de préserver des habitudes, de mieux vivre sa journée et de maintenir son identité. Pour la famille, il apporte une visibilité sur ce qui est fait et pourquoi. Pour l’équipe, c’est une feuille de route qui améliore la qualité du soin et la relation.
Concrètement, un projet bien construit :
- réduit les tensions quotidiennes (lever, toilette, repas) ;
- limite les prescriptions inadaptées en favorisant des réponses non médicamenteuses ;
- renforce les liens entre la personne et sa famille ;
- facilite l’évaluation des progrès et l’adaptation rapide en cas de changement.
Je vous encourage à considérer le projet de vie comme un instrument vivant : il n’est pas figé, il se nourrit de vos retours et des petites réussites du quotidien.
Comprendre le projet de vie en EHPAD vous donne les clés pour accompagner avec justesse : il s’agit d’un outil centré sur la personne, co‑construit avec l’équipe et la famille, et adaptable au fil du temps. Votre connaissance intime de l’histoire et des goûts du résident est précieuse — elle aide l’équipe à personnaliser l’accompagnement et à préserver l’autonomie et la dignité.
Quelques repères à retenir :
- impliquez‑vous dès l’entrée, apportez des informations concrètes et des objets familiers ;
- demandez une copie du projet et des rendez‑vous de suivi ;
- privilégiez la co‑construction, la communication et la bienveillance ;
- si nécessaire, utilisez les voies internes (référent, direction, CVS) avant d’envisager d’autres recours.
Accompagner un proche en établissement est souvent une expérience émotionnelle complexe. Prenez soin de vous, acceptez d’être parfois impuissant·e, et rappelez‑vous que votre voix, informée et constructive, est un levier puissant pour améliorer le quotidien de la personne aimée. Si vous souhaitez, je peux vous proposer un modèle de questions à poser à l’équipe lors de l’entretien d’admission ou vous aider à préparer l’entretien : dites‑moi ce dont vous avez besoin.
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