Vous vous demandez comment organiser des sorties en EHPAD qui soient à la fois adaptées aux besoins de votre proche et parfaitement sécurisées ? Vous n’êtes pas seul·e : pour beaucoup de familles, accompagner une sortie ou confier ce moment à l’équipe de l’établissement suscite autant d’espoir que d’inquiétude.
Je vous propose dans cet article des repères concrets, des conseils pratiques et des exemples faciles à mettre en œuvre. Mon objectif est de vous aider à transformer ces sorties en moments de plaisir et de stimulation, tout en maîtrisant les risques et en respectant le rythme et les envies des résidents.
Pourquoi organiser des sorties : bénéfices pour les résidents
Organiser des sorties régulières, même courtes et simples, contribue fortement au bien-être des personnes âgées. Voici ce que j’observe régulièrement :
- La stimulation sensorielle : voir du paysage, sentir des odeurs familières (pain frais, fleurs), entendre des sons extérieurs aide à réveiller des souvenirs et des émotions positives.
- Le maintien du lien social : partager un café ou une balade avec des proches ou d’autres résidents réduit l’isolement.
- Le bénéfice physique : la marche, même lente, favorise l’appétit, le sommeil et la mobilité.
- Le sentiment de normalité : sortir du cadre de l’établissement réinscrit la personne dans une routine citoyenne (aller au marché, au parc, voir une exposition).
Exemple : Mme L. avait tendance à rester dans sa chambre. Après une première sortie de 20 minutes au jardin du quartier, elle a retrouvé l’appétit et a demandé à participer à d’autres promenades — un petit changement qui a eu un grand impact sur son moral.
Principes de base pour des sorties adaptées et sécurisées
Avant toute sortie, je recommande d’appliquer quelques principes simples mais essentiels :
- Évaluer la capacité et les préférences du résident : consulter le dossier médical, l’infirmier·ère référent·e et la famille pour connaître l’état de santé, la mobilité, les traitements et les éventuelles contre-indications.
- Planifier selon le projet de vie : intégrer la sortie au projet de vie individualisé du résident : fréquence souhaitée, type d’activité, durée adaptée.
- Prévoir l’accompagnement adéquat : qui accompagne ? Quels profils (aide-soignant·e, animateur·rice, bénévole) et quelles compétences (mobilité, gestes d’urgence) sont nécessaires.
- Évaluer les risques en amont : lieu, distance, accessibilité, toilettes disponibles, météo, points de repos.
- Obtenir les autorisations nécessaires : vérifier l’autorisation de sortie signée par la personne ou son représentant légal, et les consignes particulières (médicaments, matériel médical).
Le consentement et la responsabilité
Il est important que la personne exprime son accord quand elle le peut. Pour les personnes dont les capacités de décision sont altérées, la famille ou le mandataire légal doit être informé et une autorisation écrite est généralement recommandée. L’équipe doit aussi s’assurer que l’assurance de l’établissement couvre l’activité ou que des accords particuliers sont en place.
Avant la sortie : préparation pratique (la checklist indispensable)
Voici la checklist que j’utilise systématiquement avant chaque sortie. Imprimez-la, adaptez-la et faites-la signer si nécessaire : elle facilite l’organisation et rassure tout le monde.
- Vérifier l’accord de la personne et/ou de son représentant légal (autorisation de sortie).
- Consulter le dossier médical : médicaments à prendre pendant la sortie, allergies, matériel médical (oxygène, cathéter, port de perfusion).
- Informer la famille et noter les contacts d’urgence.
- Vérifier l’état de santé le jour J (douleur, température, fatigue, troubles du comportement).
- Prévoir les vêtements adaptés (couches, chaussures, protections solaires, chapeau, imperméable).
- Contrôler les moyens de transport (rampe, sangles, autonomie de la batterie du fauteuil roulant électrique).
- Préparer les documents utiles : carte d’identité, carte vitale ou coordonnées, liste des médicaments, ordonnance si nécessaire.
- Préparer un sac d’urgence : eau, collation, médicaments secours, mouchoirs, lingettes, pansements, téléphone chargé.
- Définir le nombre d’accompagnants et leurs rôles (conduire, surveiller la mobilité, gérer les urgences).
- Planifier les points de pause (toilettes, bancs, ombre).
(Il s’agit de la seule liste à puce de l’article — utilisez-la comme guide pratique.)
Choisir des activités réellement adaptées : idées selon les profils
Les activités adaptées ne signifient pas forcément des sorties longues ou coûteuses. L’important est la correspondance entre l’activité, les capacités et les envies.
Pour les personnes mobilités relativement conservées
- Balade au parc avec bancs rapprochés, durée courte et rythme adapté.
- Visite d’un marché local : bruit et senteurs stimulantes, possibilité d’acheter un souvenir comestible.
- Pause café en terrasse (avec ombre et accès facile aux toilettes).
Exemple concret : un petit groupe de quatre résidents accompagnés d’un soignant et d’un animateur se rend au marché municipal le matin. L’objectif : 45 minutes. Chacun choisit un petit achat (un fruit, une fleur). Retour à l’établissement pour un déjeuner en commun.
Pour les personnes à mobilité réduite
- Sortie jardin accessible ou aménagement d’un coin extérieur sécurisé au sein de l’établissement.
- Visite d’un lieu proche et accessible en transport adapté (minibus avec rampe).
- Atelier sensoriel en extérieur (jardinage en bac surélevé).
Exemple : M. B. en fauteuil manuel apprécie d’être conduit en bord de rivière accessible via une passerelle. Le trajet est court, ponctué d’arrêts fréquents et d’un goûter ombragé.
Pour les personnes avec troubles cognitifs (alzheimer, troubles apparentés)
- Favoriser des lieux connus et calmes, éviter les foules et les bruits excessifs.
- Rythme court : 20 à 45 minutes selon la tolérance.
- Utiliser la musique, les odeurs et les éléments tactiles (fleurs, tissus) pour stimuler la mémoire.
- Préférer les sorties individuelles ou en très petits groupes avec un accompagnant référent.
Exemple vécu : Mme D. qui perd rapidement ses repères a bénéficié d’une série de sorties hebdomadaires au café du village où la serveuse, connue d’elle depuis longtemps, prenait le temps d’échanger. La familiarité a réduit l’anxiété et augmenté sa participation aux animations.
Activités thématiques enrichissantes
- Sorties intergénérationnelles (rencontres avec une classe primaire).
- Visites culturelles courtes dans des musées proposant des parcours courts et des bancs (renseignez-vous sur les visites « adaptées »).
- Promenades thérapeutiques : animal de compagnie, balade en petit train touristique accessible.
- Spectacles adaptés (durée courte, décorum discret).
Sécurité pendant la sortie : gestes et précautions
La sécurité ne doit pas étouffer le plaisir. Elle doit être intégrée avec souplesse. Voici les points essentiels à respecter :
- Évaluation des risques : avant de partir, repérez les zones à risques (escaliers, trottoirs irréguliers, chaussées fréquentées).
- Surveillance active : l’accompagnant doit rester proche, anticiper les signes de fatigue, d’agitation ou de douleur.
- Prévention des chutes : chaussures adaptées, aides à la marche, utilisation de ceintures ou sangles si ça a été évalué nécessaire et avec le consentement.
- Gestion des médicaments : vérifier les prises avant, pendant ou après la sortie. Certaines sorties demandent une préparation particulière (ex. insuline, diurétiques).
- Téléphone et contacts : un accompagnant doit avoir un téléphone chargé avec un numéro d’urgence visible.
- Matériel médical : prévoir tout matériel nécessaire (réservoir d’oxygène portable, poche de ramassage, coussin anti-escarres, batterie de fauteuil).
- Premiers secours : l’équipe doit connaître les gestes de premiers secours et où se situe la trousse d’urgence.
- Respect et confidentialité : demander l’accord pour prendre des photos, protéger les données personnelles si vous partagez des images.
Transport : options et bonnes pratiques
Le transport est souvent le point critique : un trajet mal préparé peut rendre la sortie pénible.
- Privilégiez des véhicules accessibles (rampe, élévateur) et des chauffeurs habitués à desservir des personnes fragiles.
- Vérifiez la sécurité des sangles pour fauteuils et l’état des batteries des fauteuils électriques.
- Choisissez des trajets courts avec arrêts possibles. Évitez les heures de pointe si le lieu est en ville.
- Si la personne utilise de l’oxygène ou un matériel sensible, assurez-vous de l’autonomie et de la compatibilité avec le véhicule.
- Évaluez s’il est préférable d’utiliser un véhicule de l’EHPAD, un taxi adapté ou un transport adapté proposé par la collectivité.
Astuce : testez le trajet au préalable sans le résident quand c’est possible ; ça permet d’anticiper les difficultés d’accès et les points de repos.
Travailler en équipe et impliquer la famille
La réussite d’une sortie dépend d’une bonne coordination entre l’équipe soignante, l’animation, la direction et la famille.
- Organisez une réunion préparatoire pour définir rôles et responsabilités.
- Encouragez la famille à participer régulièrement : présence, préparation, financement éventuel ou renseignements sur les goûts du résident.
- Sollicitez des bénévoles formés pour accompagner les petits groupes.
- Développez des partenariats locaux : association de retraités, écoles, services municipaux culturels, commerçants bienveillants.
Exemple : un EHPAD a noué un partenariat avec une bibliothèque municipale qui propose chaque mois une heure « lecture hors les murs ». Les résidents y vont en minibus, un animateur lit et la bibliothèque réserve des fauteuils confortables. Ce partenariat a permis de multiplier les sorties sans surcoût important.
Adapter après chaque sortie : évaluations et ajustements
Après la sortie, prenez le temps d’un petit débriefing :
- Notez la réaction du résident (plaisir, fatigue, agitation) et les points à améliorer.
- Mettez à jour le projet de vie si la sortie a été particulièrement bénéfique.
- Partagez un retour avec la famille : une photo, un court message, un compte rendu du vécu.
- Ajustez la durée, le rythme, le nombre d’accompagnants selon l’expérience.
Exemple : après deux sorties au marché, l’équipe a constaté que la durée idéale pour trois résidents était de 30 minutes, et non 1 heure. Ils ont réduit la durée et augmenté la fréquence : résultat, participation et plaisir accrus.
Cas pratiques : trois exemples concrets
- La balade au parc pour Mme R. (démence légère)
- Objectif : stimulation sensorielle et marche douce.
- Préparation : autorisation signée, chaussures confortables, eau, coussin pour le banc.
- Accompagnement : 1 aide-soignant·e + 1 animateur·rice pour le groupe de 3.
- Déroulé : 25 minutes, arrêts fréquents, achat d’un pain aux raisins en souvenir.
- Résultat : meilleure humeur, sommeil plus profond la nuit.
- Visite au marché pour M. T. (mobilité réduite)
- Objectif : sentir, échanger, choisir un produit.
- Préparation : transport adapté pour fauteuil, liste de préférences de M. T., sac avec médicaments.
- Accompagnement : 1 intervenant·e formé·e à la manutention.
- Déroulé : 40 minutes, possibilité d’acheter une orange. Retour à l’établissement pour goûter partagé.
- Résultat : sentiment d’autonomie retrouvé, conversation enrichie autour du goût.
- Sortie culturelle courte pour un petit groupe
- Objectif : accès à une exposition locale accessible.
- Préparation : contact préalable avec le musée pour itinéraire adapté, bancs réservés.
- Accompagnement : 2 accompagnants pour 6 personnes afin d’assurer confort et sécurité.
- Déroulé : 30 minutes de visite commentée, pause sous la verrière.
- Résultat : stimulation cognitive et émotionnelle ; un résident a rappelé un souvenir d’enfance lié à une œuvre exposée.
Derniers conseils pratiques et pièges à éviter
- Ne surestimez pas la durée de la sortie. La fatigue peut transformer un moment de plaisir en épreuve.
- Soyez attentif·ve aux signes non verbaux d’essoufflement, de douleur ou d’angoisse.
- Respectez le rythme individuel : une sortie réussie aujourd’hui n’implique pas qu’elle doive être répétée si la personne n’en a plus envie.
- Gardez une certaine flexibilité : prévoir une alternative si le site est trop bruyant ou inaccessible.
- Formalisez : gardez une trace écrite de chaque sortie (fiche de sortie, compte rendu dans le dossier), ça sécurise et permet d’améliorer l’organisation.
Organiser des sorties en EHPAD demande une préparation rigoureuse mais c’est surtout une source précieuse de bien-être pour les résidents. En respectant quelques règles simples — évaluation individuelle, préparation, autorisation de sortie, choix d’un transport adapté, accompagnement par une équipe soignante formée et une coordination avec la famille — vous pouvez offrir des moments hors des murs qui ont un réel impact sur la qualité de vie.
Commencez petit, observez, ajustez. Les premières sorties sont souvent des apprentissages : elles vous permettent d’identifier le bon format pour chaque personne. N’hésitez pas à impliquer la famille, à solliciter des partenariats locaux et à documenter chaque expérience pour construire un projet de vie individualisé riche et sécurisé.
Si vous le souhaitez, je peux vous aider à construire une fiche de sortie personnalisée ou proposer des idées d’activités adaptées au profil de votre proche. Vous ne devez pas tout faire seul·e : l’accompagnement se construit pas à pas, avec patience et bienveillance.
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